mercredi 10 décembre 2008

VILLEGLE !

Soixante ans de collage. Présent dans tous les musées d’art contemporain du monde. Somptueusement côté. A côtoyé les plus grands, ceux dont les œuvres me donnent des frissons à distance, Hains, Rotella. Et maintenant exposé de son vivant à Beaubourg, dans une superbe rétrospective, entr’aperçue depuis le couloir du sixième étage.
Moi je l’ai connu dans les années 1980-85. Nous avons travaillé ensemble sur des projets de chantiers dans les établissements de l’enfance du 75. Il était ingénieur. Et je ne savais rien. Il s’appelait Mahé et Jacques Mahé ne parlait pas de Villéglé ! Quelques années après, en 1988, je suis tombé à mon tour amoureux des papiers lacérés, dans mon coin, et je n’ai plus arrêté. Comme lui. Quand on tombe amoureux des bouts de papiers, ça ne se guérit pas. On en retrouve toujours pour réactiver le pincement de cœur que ça fait quand on les découvre… Et on persiste.
J’ai découvert Villéglé plus tard. Comme une sorte de père inconnu. J’avais déjà fait des choses que je crois il aurait pu signer. Et même parfois plus « belles » au sens classique, parce que lui, il a pris de la distance avec le « beau » travaillé comme tel et il a continué en le lisant seulement sur les panneaux qu’il dépouillait, en le laissant raconter, alors que moi je tordais beaucoup mon matériau…
Mais c’est pour cette sorte de filiation que je ne me sentais pas prêt pour visiter son expo, que je ne voulais pas risquer d’être « contaminé » - voire dévalorisé-. On est toujours le fils de quelqu’un certes mais il y a un temps pour tracer sa route à soi. Sauf qu’une route c’est une route et qu’on n’invente pas la route… ! Et bien entendu je n’entendais pas mes proches qui me disaient « tu es différent, viens » !
Je me suis laissé entraîner à Beaubourg comme par surprise. Quel choc ! Quelles splendeurs ! En particulier les premières salles, là où nous nous ressemblons si j’ose dire, où ses lacérations composent non pas du « néo-réalisme » mais de superbes tableaux abstraits, poétiques, « lyriques », parfois enrichis du clin d’œil d’un bout de réalité qui n’est là que pour valider la rêverie qu’appelle le reste avec ses couleurs si puissantes et ses contours si imprévisibles. Ce que j’aime dans le collage. En plus il s’affirme sur des panneaux de 3 X 4m et plus qui ont un souffle fou, qui créent un « autre chose », un au-delà du panneau d’affichage .
Puis ce sont les fresques presque historiques où l’on touche du doigt tant de souvenirs – c’est un « Je me souviens » à la Pérec, mais grand format, avec les produits, les slogans, les vedettes, les gags -. Et on retrouve, on saisit bien sa démarche de fouille, découverte, de révélation du chant des murs, que tant de gens frôlent sans le soupçonner. Garder des traces des poèmes de la rue, de la vie des autres, de l’histoire. Faire voir. Révéler. Entrainer derrière soi peut-être. Interminablement. Je connais cela. Il a fait 4000 tableaux je crois…
Ce qui me fait penser que le « petit » Monsieur Mahé– car il est vraiment petit en taille- qui ne dit pas qu’il est aussi Villéglé est vraiment un très grand, c’est que je suis sorti de son exposition avec simplement l’envie de continuer. Et la certitude que je ne le copierais pas parce que l’affiche volée, elle, n’est jamais la même et que c’est ce jeu étrange entre elle et nous qui produit l’alchimie à chaque fois nouvelle que l’on aime partager ensuite

9 décembre 2008.

Aucun commentaire: