mardi 5 janvier 2010

Je veux dire un mot de ma dernière exposition. Au château de la Grange en Poitou. Une opportunité imprévue et que j’ai saisie sans hésiter : gentillesse de l’ami qui proposait son espace, beauté de celui-ci, envie de revoir ce que j’avais fait et qui dormait empilé contre les murs de l’atelier. Je me doutais que ce n’était pas la rue de Seine et qu’il y aurait peu de passage, même si plus de 400 personnes devaient être informées de l’ « évènement ». Au fond de la campagne, l’affluence eut été exceptionnelle…Mais je savais que ce serait…beau !

Nous avons, avec ma fille Sophie, passé une journée merveilleuse à rechercher un fil pour cette expo, une manière de mettre en valeur à la fois le cadre et les œuvres. Le cadre ? On le voit sur les quelques photos qui suivent : le grenier d’une longue écurie, avec de belles proportions, un vrai plancher, une charpente vénérable et une frisette superbe au plafond. Un éclairage « pro ». Les œuvres ? Bon nombre de celles que j’avais faites en Roumanie, riches en couleur et en mouvement, malgré un matériau peu noble, parfois pauvre en termes d’impression et de graphisme mais souvent enrichi de macérations « physico-chimiques » (la pluie, le vent, la neige et le soleil). L’art de l’affiche est encore très pauvre là-bas. Et puis celles réalisées à Paris avec des vieilles affiches, ces vieux matériaux tirés des stations de métro en réfection, dont on sait qu’ils datent des années 60 : couleurs merveilleuses, profondes, entrées dans le papier, chaudes et denses. Associations improbables dues au décollage/lacérage …comme on peut, et là encore macérations physico-chimiques, mais cette fois « indoor » comme disent les anglo-saxons, intérieure : poussière lourde charriée par cinquante ans de respirations de passagers du Métro, de courants d’air et de passages de rames, coulées d’humidité et de calcaire dues aux infiltrations…toute cette magie qui pour moi est un « cadeau » depuis des années ( il suffit d’avoir l’œil) et que j’essaie de préserver, de « faire voir ».


Avec tout cela, en introduisant du « rythme », un jeu d’alternances de formats, de couleurs dominantes, de brillances ou de matités, nous avons composé un parcours « saisissant ». Sans surcharge tant l’espace est vaste. Quelque chose qui n’était plus ni le lieu, ni les tableaux, ni peut-être une « exposition ». Pour Monsieur Littré une exposition est la « mise sous le regard du public de tableaux en un lieu approprié ». Définition faible, explicative plutôt que descriptive. Car dès qu’on émergeait de l’escalier, j’ai trouvé qu’on avait un choc d’ensemble, une impression tout à fait globale d’être face à « quelque chose » qui dépassait et le lieu (« approprié » !) et les œuvres (les « tableaux » !). Je l’ai découvert pour la première fois. La galerie Galateca de Bucarest était aussi une belle salle d’expo, mais elle n’avait aucune caractéristique en elle-même : les tableaux y étaient « bien », disons « exposés ». Au musée de Cluj, les deux salles étaient belles mais ne formaient pas un ensemble vraiment frappant et la voute tassait l’ensemble. Au château de Vihiers, le cadre splendide l’emportait, cette salle Renaissance haute, ample, avec ses baies superbes, ses boiseries, belle en soi : les tableaux y étaient bien mais presque perdus, prétextes ou pique assiette…

A la Grange j’ai eu l’impression que nous avions « créé », créé une « œuvre », synthétisé quelque chose d’autre qu’un grenier/galerie et des collages, une entité nouvelle qu’il valait la peine de venir voir « pour elle-même » ! Et ce jeu entre un espace presque palpable, une sorte de coffret imaginable, de volume en soi, et d’autre part des lumières, des luminaires, des cratères de couleur, des photophores aux nuances variées – des gemmes, des camées- que faisait chaque tableau, m’ont fait penser à …j’ose le mot, un reliquaire, mais « en dedans », re-tourné. Pas à cause de « mes collages à moi », parce qu’on doit pouvoir faire cela ailleurs, différemment, avec d’autres créations, pour le plaisir de partager. Le refaire.

Et comme il n’y a pas eu beaucoup de visiteurs, cette idée d’avoir néanmoins réalisé quelque chose d’ « autre », de pouvoir l’offrir à mes amis et à mon hôte, s’est depuis renforcée et en quelque sorte m’habite… A refaire !

Décembre 2009

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